3-9 ans : Grandir en confiance

Culpabilisante, la parentalité positive ?

A plusieurs reprises ces derniers mois, je suis tombée sur des articles, en ligne ou dans certains magasines féminins, qui reprochaient à la parentalité positive d’être une source supplémentaire de culpabilisation pour les parents. Je précise qu’il ne s’agissait pas de site ou de magasine spécialisés sur le sujet, mais d’articles dans l’esprit « j’ai testé la parentalité positive » au sein d’un site généraliste (genre, j’ai testé pour vous…la parentalité positive » dans Biba).

biba parentalité positive
On m’a envoyé la photo hein, parce que moi je ne lis plus Biba…

 

Aujourd’hui j’ai envie d’apporter ma vision à moi de la parentalité positive et ce qu’elle m’a apportée, non dans un esprit de conflit en mode « mais si, la parentalité positive c’est trop bien, bande de nulos », mais plutôt parce que je suis convaincue qu’elle a énormément à apporter à chaque parent et que c’est une vision erronée ou un manque d’information qui conduit à la refuser ou à la condamner, quand ce n’est pas la flemme de se remettre en question…

 

Il est impossible de réagir toujours avec la bienveillance que prône la parentalité positive !

L’idée était que les principes de la parentalité positive exigent de nous, parents, des réactions qui sont bien loin de nos réactions naturelles (exemple : reconnaitre la créativité de l’enfant qui a crayonné sur les murs au lieu de l’engueuler…) et qu’il est impossible de réagir ainsi en toutes circonstances. En conséquence, le parent culpabilise de ne pas être ce parent « parfait » que vanterait la parentalité positive.

En gros, c’était un peu à la Foresti (que j’adore d’ailleurs !) dans son sketch des mamans calmes : la parentalité positive, ce serait le credo de la mère parfaite et ultra organisée qui ne crie jamais sur ses enfants et leur répond toujours avec amour et tendresse même quand ils ne veulent pas mettre leurs chaussures à 7h50 avant de partir à l’école (puisqu’elle n’est jamais en retard, de toute façon). Et la maman calme, on l’admire un peu…. Mais surtout, elle nous énerve et nous fait culpabiliser de ne pas être à sa hauteur ! La parentalité positive prônerait donc un idéal impossible à atteindre et exigerait une grande abnégation pour toujours garder notre patience et inhiber nos reflexes premiers, et ça c’est une épine de plus dans le pied des jeunes parents qui reçoivent déjà beaucoup de conseils et d’injonctions en tous genres !

Mais la parentalité positive, c’est loin du sketch de Foresti !

Au-delà de mes lectures sur le sujet, qui sont très enrichissantes mais forcément un peu « policées » comparées au vécu réel du parent, je fais partie d’un groupe virtuel de parents qui ont la volonté d’éduquer leurs enfants « autrement », qui cheminent sur la voie de la parentalité positive.

Et j’emploie volontairement le terme de cheminement, car c’est réellement ce qui ressort de tous les échanges sur ce groupe, sur lequel on partage nos progrès et moments « positifs » mais surtout nos interrogations, nos demandes de conseils, nos moments de découragements, etc… Celle qui craque et se défoule parce qu’elle doit bercer 2h chaque soir son bébé est celle qui, le lendemain, apporte du réconfort à la maman qui n’a pas dormi une nuit complète en 15 mois. La maman qui est désemparée face à la violence des colères de son fils est celle qui propose une solution à la maman qui est désemparée face à l’intensité des peurs de sa fille. Je n’ai jamais eu plus conscience du fait que nous sommes tous, en tant que parents, touchés un jour ou l’autre par des difficultés, des doutes voire de sérieuses faiblesses, que depuis que je fais partie de ce groupe de parents « positifs », qui n’ont pas peur de dire que c’est difficile et qu’ils ont dérapés !

Car en parentalité positive, on a « le droit » de détester son enfant, d’être en colère contre lui, d’être épuisé, d’être déprimé, découragé, angoissé, d’avoir envie de claquer la porte, de dire qu’on a du mal avec un de nos enfants plus que l’autre…. On a le droit d’être vrai. Là où traditionnellement certains sentiments sont tabous, là où on va vous encourager à faire bonne figure, à « ne pas dire ça » ici on écoute toutes les émotions, sans culpabilisation et ça fait beaucoup de bien de pouvoir les exprimer et de savoir qu’elles sont partagées.

C’est que la parentalité positive nous sensibilise aux obstacles qui nous empêchent d’être le parent que l’on voudrait être : que ce soit notre propre fatigue et notre « réservoir d’amour » vide, notre histoire individuelle et l’éducation qu’on a reçue ou notre vécu présent qui influencent nos réactions automatiques, il y a toujours une part de l’analyse qui s’attache aux entraves que subit le parent quand ça coince avec l’enfant. Et ça, c’est déculpabilisant : nous ne sommes pas de « mauvais parent » par nature qui échouons à notre tâche, mais nous sommes des humains marqués par une histoire, passée et présente, qui nous influence mais de laquelle on peut se libérer !

Simplement, il faut le vouloir, accepter de se remettre en question et disséquer l’éducation qu’on a reçue en héritage.

D’une manière générale, oui la parentalité positive demande un effort : il faut s’ouvrir à une autre vision de l’enfant et de la relation parent/enfant, accepter de remettre en cause la « toute puissance parentale » prônée par nos parents et grands parents qui, reconnaissons le, arrangeait bien leurs affaires, accepter que le chemin le plus court n’est pas souvent le meilleur en matière d’éducation, accepter de voir des « résultats » de nos efforts seulement après plusieurs années… C’est un chemin difficile mais c’est un chemin dans lequel on apprend à avoir le droit de se tromper… et ça fait beaucoup de bien !

 

La parentalité positive, c’est être laxiste, c’est dire oui à tout !

Autre argument, qui pour moi relève plus de la confusion (et un peu de la mauvaise foi dans certains cas, parce que le changement demande des efforts…) que de l’argument d’ailleurs : on chercherait à faire culpabiliser les parents de « mal » faire avec leurs enfants, alors qu’en réalité la parentalité positive, c’est du laxisme déguisé qui va faire des enfants rois !

Cet argument est généralement assorti du portrait moqueur de la mère dépassée qui se répand en explications, en demandes et en excuses auprès de ses enfants pendant que ceux-ci hurlent et retournent une maison sens dessus dessous, sans tenir compte de ce qu’elle dit.

S’il n’est pas exclu que, en cheminant en bienveillance, on tombe dans les travers du laxisme parce qu’il nous manque certaines clés, ce n’est absolument pas l’esprit initial de la philosophie !

La parentalité positive, c’est sans aucun doute poser un cadre, mais un cadre cohérent avec le stade de développement de l’enfant et ses capacités : car ce que nous apportent Filliozat, Guegen and Co, c’est avant tout de partager tout un tas de connaissances et données scientifiques autour de l’enfant et son développement neurologique et émotionnel, qui nous permettent de comprendre ses réactions et comportement inappropriés… et donc de sélectionner les bons « outils » éducatifs pour y répondre !

filliozat faber mazlich

S’il y a bien un aspect de la parentalité qui fait du bien, c’est la prise de conscience que nos enfants ne sont pas des tyrans quand ils font des colères à 3ans, qu’ils ne sont pas capricieux parce qu’ils exigent de mettre leurs chaussettes avant leur pantalon à 2 ans, qu’ils ne sont pas gravement perturbés parce qu’ils nous rejoignent pour dormir, qu’ils ne sont pas pervertis parce qu’ils mentent effrontément à 4 ans et semblent y croire dur comme fer…. Mais qu’ils sont normaux pour leur âge ! Quel soulagement de comprendre que l’on a pas loupé quelque chose, mais qu’au contraire on est face à un cerveau en construction… et que pour aider à la construction de ce cerveau, nul besoin de s’acharner à coups de punitions, de coin, de cris , fessées, marchandage et autres méthodes traditionnelles que les parents estiment souvent « obligatoires » tout en reconnaissant qu’ils sont frustrés des résultats. Autour de moi, j’entends souvent les parents admettre que les enfants « recommencent toujours » malgré ces méthodes, mais ils persistent à dire « qu’il faut bien en passer pas là » » et « qu’il n’y a que ça qui marche », alors qu’on perçoit clairement qu’ils ne sont satisfaits ni des résultats à long terme, ni du jeu de pouvoir qui s’est instauré par ce biais avec leur(s) enfant(s) !

Avant de connaitre la parentalité positive, je voyais l’éducation comme un combat dans lequel le parent s’épuise au quotidien, mais au cours duquel il ne faut jamais rien lâcher, sous peine d’être mis KO au round suivant, sous les yeux d’un foule de Tatie Relou en délire brandissant à tous bouts de champs la menace de l’enfant trop gâté devenu tyran. Quelle pression ! Et quelle tristesse ! Fait-on des enfants pour être au quotidien dans la lutte pour avoir le dessus ? Pour avoir le pénible choix entre être mis KO ou mettre KO la chaire de sa chaire ? J’avoue que ça m’angoissait sérieusement, mais je pensais pas avoir dautres choix… et la parentalité positive m’a rendu mon optimisme et enlevé un énorme poids des épaules !

Car elle m’a donné des clés pour comprendre, et aussi des clés pour agir sans entrer dans cette lutte de pouvoir ! Je n’entre pas dans les détails de ces outils, ce blog y est en partie consacré… Mais ils sont nombreux, créatifs, soutenant et n’ont rien à voir avec le fait de « parlementer sans fin » avec ses enfants.

En parentalité positive, on « lâche prise » sur un certain nombre de points, non par laxisme ou par découragement, mais parce qu’on regarde les interdits traditionnels sous un autre angle. Avant de dire non, on se demande toujours si c’est vraiment important, si l’action de l’enfant va le mettre en danger (physiquement ou psychiquement) ou empiéter sur le besoin d’autrui… Si ce n’est pas le cas, on préfère lui laisser cette opportunité de liberté, parce qu’on est conscients que la vie d’un enfant est faite d’énormément de contraintes et que c’est tout à fait normal qu’on lui donne la possibilité de faire ses propres choix sur les sujets qui le concernent ! La parentalité positive fait la part belle à l’autonomisation de l’enfant, à tout ce qui lui permet d’apprendre à se gérer seul, à la responsabilisation… et en ça, on est loin du laxisme où les parents surprotègent et font tout à la place de l’enfant !

Alors, OUI, la parentalité positive, c’est bannir de nos méthodes d’éducations toutes ces pratiques, qui relèvent plus du dressage que de l’éducation d’ailleurs, que sont les violences verbales ou physiques, les punitions, les récompenses, les menaces, les cris, le marchandage… Pour autant, la parentalité positive donne d’autres outils pour pouvoir fixer un cadre et des limites respectueuses à la fois du parent et de l’enfant.

En conclusion, je trouve extrêmement dommage de résumer la parentalité positive à une « méthode », qu’on adopte ou qu’on n’adopte pas, qui « marche » ou qui ne « marche pas » ! Non, quand on met un pied dans la parentalité positive, on met la jambe, le corps et on plonge tête la première, parce que soudain on voit tout différemment. C’est comme si on avait, pendant des années, regardé la Joconde oubliée dans une cave moisie, et que quelqu’un la dépoussière, la met à la lumière du jour et l’encadre sur un grand mur blanc. C’est la même image, mais sous un autre angle beaucoup plus riche et surtout sous un angle beaucoup plus… positif ! Et même si on remet la Joconde à la cave, c’est trop tard, maintenant qu’on l’a vue autrement on arrive à distinguer dans le noir tous ces détails qu’on ne voyait pas avant et notre vision du tableau est modifiée pour toujours…

parentalité positive

La parentalité positive, cette vision du monde un peu différente de ce dont on à l’habitude, elle est, à mes yeux : inspirante, exigeante, motivante, soutenante, bienveillante… mais pas culpabilisante 😉

15 réflexions au sujet de « Culpabilisante, la parentalité positive ? »

  1. Merci pour cet article qui illustre parfaitement le sentiment dans lequel je suis en permanence : la culpabilité. D’avoir crié, marchandé, puni … alors que je cherche toujours comment faire autrement dans l’idée de l’éducation positive ! Seulement parfois, comme je suppose toute maman, je pète un cable !

    A mon sens il serait utile que tu conseilles aux lectrices du blog quelques ouvrages détaillant les principes, outils et clés, de l’éducation positive. peut etre l’as tu déjà fait mais je ne lis pas le blog depuis ses débuts.

    Je serais curieuse aussi que tu nous livres des exemples de situation ou tu as failli craqué, et que l’utilisation d’un outil particulier t’as permis de désamorcer une crise.

    En tout cas merci pour ces jolis articles, toujours bien documentés.

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  2. Waooh merci pour cet article car ce que vous décrivez dans le regard des autres est vraiment ce que je ressens mais tant pis pour ces jugements. Quand on a connaissance du fonctionnement du cerveau de l’enfant et des bienfaits de la bienveillance on ne peut plus réagir de la même façon « violente » avec eux. (on est d’accord plus souvent, les résultats se constatent sur le long terme quoi que…pour certains aspects, on peut aussi vite voir les bons effets rapidement dans la relation de nos enfants avec les autres). Bref, la prochaine fois que cela se représentera je penserai à la Joconde à la cave 😉

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  3. Waouh. Je ne connaissais pas ce mode d’éducation mais ça correspond à ce que je voudrais faire avec ma fille. Je vais d’ores et déjà lire tes autres articles sur le sujet mais je serai super contente d’avoir des références biblios sur le sujet. Merci d’avance.

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    1. Super 🙂 Vous trouverez pas mal de ressources ici, mais je peux vous conseiller effectivement quelques livres !
      Alors pour mieux comprendre le développement de l’enfant, ses besoins, les fondements de la parentalité positive, etc :
      – « Au coeur des émotions de l’enfant » d’Isabelle Filliozat
      – « Pour une enfance heureuse », catherine Guegen

      Pour des ouvrages plus « pratique » sur comment faire au quotidien pour éduquer « autrement », sans fessée, sans punitions, mais aussi sans récompense, menace, chantage, etc… :
      « J’ai tout essayé! » d’Isabelle filliozat
      « Parler pour que les enfants écoutent, écouter pour que les enfants parlent », Faber & Mazlich
       » La discipline positive », Jane Nelsen
      « Poser des limites à son enfant et les respecter », C.Dumonteil Kremer

      Egalement sur le thème spécifique de la communication non violente, qui s’applique avec nos enfants mais pas seulement : « Les mots sont des fenêtres… ou bien ce sont des murs », Marshall B Rosenberg

      Egalement je vous conseille « l’Enfant » de Maria Montessori, plus spécifiquement dédié à sa pédagogie mais qui éclaire surtout notre regard sur qui est l’enfant et ce dont il est capable !

      Bonne lecture et surtout n’hésitez pas à venir me dire ce que vous en avez pensé ! Sur la page fb du blog, je fais régulièrement des concours pour gagner ces livres 🙂

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  4. Le livre de Jane Nelsen est très bien. Il peut être accompagné d ateliers sur le sujet (dans le 92 par exemple). Histoire de réfléchir et d’agir en suivant un guide

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  5. Pour la patience et la bienveillance, la clé, c’est la prière (régulière) 🙂
    Pour la culpabilité ===> aller voir un prêtre, ça soulage et on repart du bon pied!

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  6. Merci! Merci! Merci! Voilà qui va expliquer à mes amis mon point de vue sur l’éducation.
    Merci de remettre en cause les détracteurs qui ont, je trouve, des motifs bien légers pour remettre en cause cette approche qui sonne, je pense, comme une évidence à toute personne qui étudie les relations humaines.
    Vraiment ca fait du bien de voir que l on est entourée sur ce chemin.
    Merci aux autres commentateurs également 😉
    Bonne route!

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  7. Bonjour,
    Merci pour cet article. Cependant, je trouve que les clichés vont dans les deux sens. Ne pas appliquer l’éducation positive ne signifie pas nécessairement dresser et hurler sur son enfant. C’est peut être en ça que les gens la voie comme culpabilisante. Rien que l’appelation éducation bienveillante, laisse à penser que les autres méthodes seraient nécessairement malveillante. C’est ce qui me gène. Je trouve personnellement cette méthode très intéressante et j’ai lu pas mal sur le sujet. Mais j’ai essayé avec mon fils, et je m’y suis personnellement perdue avec un lien avec mon enfant qui en a finalement pâti. Cela ne me convenait pas et ne lui convenait pas pour plusieurs raisons. Aujourd’hui j’ai choisi de dire non quand cela me dérange, parce que j’ai aussi le droit de ne pas être d’accord, parce que j’ai besoin d’avoir plaisir à vivre avec mon enfant et non pas de subir les choses, et ce même si ça frustre sa curiosité. Cela ne signifie pas pour autant que je hurle sur mon enfant ou que je lui mette une fessée, ni même que je le rabaisse. Je ne suis juste pas capable de tout accueillir avec positivisme, donc je ne le fais pas. Je pense aussi que chacun doit arriver à composer selon ses enfants et son propre ressenti et instinct, sans que l’on juge dans un sens ou dans un autre. Donc s’il me semble très bien que cette méthode existe et que des parents et enfants s’y retrouvent, mais je trouve dommage de toujours parler de dressage et de presque « maltraitance » pour les autres méthodes. Et d’ailleurs pourquoi toujours avoir une méthode. C’est parfois bien aussi de lâcher du lest en faisant comme on le sens.

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