3-9 ans : Grandir en confiance

Aimer la main ouverte

Le week-end dernier, on a partagé avec moi ce très beau texte que j’ai eu envie de partager à mon tour avec vous….

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Aimer la main ouverte, Ruth Sanford

 » Une personne compatissante, voyant un papillon lutter pour se libérer de son cocon, et voulant l’aider, écarta avec beaucoup de douceur les filaments pour dégager une ouverture. Le papillon libéré sortit du cocon et battit des ailes, mais ne pu s’envoler. Ce qu’ignorait cette personne compatissante, c’est que c’est seulement au travers du combat pour la naissance que les ailes peuvent devenir suffisamment fortes pour l’envol. Sa vie raccourcie, il la passa à terre. Jamais il ne connut la liberté jamais il ne vécut réellement … ».

Apprendre à aimer la main ouverte, est une toute autre démarche.

C’est un apprentissage qui a cheminé progressivement en moi, façonné dans les feux de la souffrance et les eaux de la patience. J’apprends que je dois laisser libre quelqu’un que j’aime, parce que, si je m’agrippe, si je m’attache, si j’essaie de contrôler, je perds ce que je tente de garder.

Si j’essaie de changer quelqu’un que j’aime, parce que je sens que je sais comment cette personne devrait être, je lui vole un droit précieux, le droit d’être responsable de sa propre vie, de ses propres choix, de sa propre façon de vivre.

Chaque fois que j’impose mon désir ou ma volonté, ou que j’essaie d’exercer un pouvoir sur une autre personne, je la dépossède de la pleine réalisation de sa croissance et de sa maturation. Je la brime et la contrecarre par mon acte de possession, même si mes intentions sont les meilleures !

Je peux brimer et blesser en agissant avec la plus grande bonté, pour protéger quelqu’un. Et une protection et une sollicitude excessives peuvent signifier à une autre personne plus éloquemment que des mots : « Tu es incapable de t’occuper de toi-même, je dois m’occuper de toi parce que tu m’appartiens. Je suis responsable de toi. ».

Au fur et à mesure de mon apprentissage et de ma pratique, je peux dire à quelqu’un que j’aime : « Je t’aime, je t’estime, je te respecte et j’ai confiance en toi. Tu as en toi ou tu peux développer la force de devenir tout ce qu’il t’est possible de devenir, à condition que je ne me mette pas en travers de ton chemin.

Je t’aime, tant que je peux te laisser la liberté de marcher à coté de moi, dans la joie et dans la tristesse. Je partagerai tes larmes, mais je ne te demanderai pas de ne pas pleurer. Je répondrai, si tu as besoin de moi, je prendrai soin de toi, je te réconforterai, mais je ne te soutiendrai pas quand tu pourras marcher tout seul. Je serai prête à être à tes cotés dans la peine et la solitude, mais je ne les éloignerai pas de toi. Je m’efforcerai d’écouter ce que tu veux dire, avec tes paroles à toi, mais je ne serai pas toujours d’accord avec toi.

Parfois je serai en colère, et quand je le serai, j’essaierai de te le dire franchement, de façon à ne pas avoir besoin d’être irritée par nos différences, ni de me brouiller avec toi. Je ne peux pas toujours être avec toi ou écouter ce que tu dis, parce qu’il y a des moments où je dois m’écouter moi-même, prendre soin de moi. Quand cela arrivera, je serai aussi sincère avec toi que je pourrai l’être. »

J’apprends à dire cela à ceux que j’aime et qui sont importants pour moi, que ce soit avec des mots ou par ma façon d’être avec les autres et avec moi-même.

Voilà ce que j’appelle « aimer la main ouverte ».

Je ne peux pas toujours m’empêcher de mettre la main dans le cocon … mais j’y arrive mieux, beaucoup mieux, depuis que je me respecte aussi.

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En tant que parents, nous avons beaucoup tendance à prendre pour nous les actions, les problèmes, les qualités et les défauts de nos enfants. Nous pensons communément (une façon de dire qu’ici, je généralise, j’en suis consciente !) que la façon dont ils se comportent dit forcément quelque chose de nous ; lorsqu’ils se comportent « bien » (au sens de conformément aux attentes de la société) nous nous sentons valorisés, et quand ils se comportent « mal » nous nous sentons remis en cause. Dans ce dernier cas, nous pensons que notre rôle est de corriger le tir jusqu’à avoir l’assurance immédiate que ça ne se reproduira plus ; c’est ce qui motive beaucoup de mesures à visée « éducative » que nous nous sentons obligés de prendre. Nous pensons aussi que c’est notre responsabilité de les diriger pour leur éviter des expériences douloureuses, des déceptions, des choix qui nous paraissent mauvais, de leur montrer la voie qui nous semble « la bonne » pour eux. Quand ils sont confrontés à des émotions fortes, et surtout lorsqu’elles sont négatives, nous les ressentons avec sympathie, c’est-à-dire comme si nous les vivions pour nous-mêmes, et nous cherchons à les prendre en charge pour eux, à trouver des solutions, à les minimiser pour les guérir, parce qu’il nous est difficile pour nous de voir souffrir nos enfants. Parce que nous les aimons et préférerions qu’ils soient sans cesse heureux bien-sûr, mais aussi parce que nous prenons pour nous cette souffrance, nous nous l’accaparons comme si elle était sous notre responsabilité et que nous manquons de confiance en nos enfants pour la traverser. Il nous est difficile de concevoir, et pour certains parents il est même inconcevable, que nos enfants portent en eux toutes les ressources pour devenir les personnes qu’ils seraient heureux d’être et que notre rôle auprès d’eux devrait être bien plus limité, sous peine au contraire de les dévier de leur potentiel. Il nous est difficile de reconnaitre que nous pouvons leur faire du mal en leur voulant du bien.

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Et c’est la même chose avec notre famille, nos amis, ces personnes qui parfois se tournent vers nous avec des émotions, des états d’âmes, un problème, le besoin d’être écouté et de vider leur sac… Nous voulons bien faire, nous voulons « les aider » ; alors on cherche à mettre un couvercle sur la souffrance parce qu’elle nous fait peur, on ramène la discussion à soi (« c’est comme moi quand… »), on donne des conseils et des solutions, parfois en notre fort intérieur on juge ce qu’on reçoit et cela transparait parfois. C’est très difficile d’écouter vraiment et de faire confiance à son interlocuteur pour trouver en lui ses solutions.

Bien-sûr, parfois on nous demande directement un conseil, un avis et parfois la meilleure réponse est de donner ce conseil. Mais souvent, derrière une demande de conseils il y a avant tout un besoin d’écoute, un besoin de lâcher… et un besoin d’avoir confiance en soi pour trouver ses réponses. Souvent, la personne qui va mal sait ce qu’elle pourrait faire pour aller mieux, mais elle ne se l’autorise pas. Nous sommes entourées de personnes qui ont été élevées par des parents dirigistes qui leur ont toujours dit quoi faire et qui n’ont jamais eu vraiment l’occasion de faire leurs choix par elles-mêmes ; on peut faire « avancer » ces personnes en leur offrant un vrai espace d’écoute, en les amenant à s’interroger sur ce qu’ELLES en pensent, en leur montrant que NOUS avons confiance en elles pour faire les bons choix et trouver des solutions. Cela demande beaucoup de recul, de confiance, d’assurance et de solidité pour recevoir l’expression nue de l’autre sans se laisser ébranler, sans s’engouffrer dans la réassurance (« ca va aller »), sans chercher à ramener à soi, sans étouffer les émotions, sans enfiler sa cape de sauveur de l’humanité qui va trouver des solutions à l’autre…

Cet article, c’est une réflexion totalement ouverte, une prise de conscience un peu brouillonne sur laquelle j’avais besoin de mettre des mots, la réalisation de ma propre capacité d’écoute relativement faible et du travail qu’il me reste à faire pour mettre vraiment en pratique les valeurs qui m’animent…

J’espère que ce texte résonnera en vous comme il a résonné en moi, qu’il vous inspirera vos propres réflexions et qu’il transmettra au moins l’idée de laisser à nos enfants la chance de devenir qui ils sont vraiment… Pour que, en grandissant, ce soit simplement facile et naturel pour eux, d’aimer la main ouverte.

5 réflexions au sujet de « Aimer la main ouverte »

  1. Aimer la main ouverte, c’est tellement difficile!
    C’est laisser se laisser libre et laisser libre les autres. C’est laisser tous les possibles ouverts et c’est se positionner dans le monde, au plus proche de soi. Je pense que si j’étais capable d’enseigner à mon fils de rester toujours au plus proche de lui, d’être le plus honnête, de se rallier sans cesse à son instinct, il sera capable d’aimer la main ouverte. Mais wouaaaaw ! Ce qui est difficile c’est comment lui proposer ce chemin sans justement utiliser les méthodes inverses? Genre: « maman, j’aimerais sauver ce papillon, il est en difficulté » comment lui faire comprendre qu’il faut le laisser? J’ai deux possibilités: lui expliquer que c’est la nature et qu’il va s’en sortir très bien. Ou lui proposer de « ressentir » ce qu’il y a à faire… Ça ne paraît tellement utopique de laisser totalement place à l’instinct! Enfin… Nous verrons bien! En tout ça merci pour le texte, ça me montre que je suis toujours dans cette recherche…

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    1. Véronique, à toi de montrer l’exemple. Si tu es dans une posture où tu laisses tout l’espace d’écoute et de liberté voulues, il devrait être enclin à adopter la même posture. Je pense que le petit oiseau tombé de son nid, ou le papillon, sont finalement un peu hors sujet : comme ça ne nous arrive pas dans notre vie de tous les jours, cela s’apprend qu’il ne faut pas les toucher. Je pense qu’il est surtout sujet ici de relations humaines, et de notre propension à emprunter nos propres chemins. Et ça c’est une attitude au quotidien, c’est pour cela que ça ne devrait pas demander d’apprentissage particulier, si on a les modèles qui ont cette posture à nos côtés.

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