Etre mère... et tout le reste !

Avoir un enfant, ça change quoi ?

Quand l’enfant n’est qu’un rêve, on pense que ça ne changera pas grand-chose.

Que ce que ça changera est identifiable, quantifiable, gérable, « anticipable ».

Qu’on peut être bien préparé et ne pas être trop chamboulée.

On pense qu’on sait à quoi s’attendre.

 

Qu’on casera l’enfant entre le boulot et la zumba, entre les sorties ciné et les mojitos avec les copines, qu’on aura une babysitter et qu’on sortira chacun à notre tour avec le père. Très vite.

Qu’il suffira de trouver un coin de terrasse pour garer la poussette, un coin de chambre pour déplier le lit parapluie, un coin micro-ondes pour chauffer le biberon, un coin de placard pour ranger les body.

On pense bien que ça va changer une pièce de la maison : sa chambre ! Et on pense à la déco, comme ce serait chouette de mettre un tipi dans un coin, un matelas à langer aux motifs graphiques et d’aligner les robes sur une penderie DIY en branche d’arbre.

Et tout ce shopping trop mignon qu’on va pouvoir faire. Et ces petites chaussures ! On pense aux dépenses et aux achats, ça fait beaucoup quand même, c’est dur de choisir… Si tu savais !

On pense qu’on se relayera pour les nuits, que le tout c’est de tenir quelques semaines, quelques mois grand maximum, que ce n’est pas bien difficile.

 

Et l’enfant parait.

Et on se prend tout dans la gueule.

Parce que ça change absolument tout.

 

Le temps.

Le temps qui accélère et qui file au point qu’on ne voit plus rien et qu’on se réveille vieux un matin. On ne fait pourtant plus rien d’extraordinaire, plus rien de ces fabuleux voyages, de ces folles sorties, plus rien de tout ce qui nous semblait faire que la vie valait d’être vécue, on fait du simple, du quotidien, du petit bonheur articulé autour d’un petit être… et on n’a plus jamais le temps ! Injustice criante que ce temps qui file en étant composé d’heures qui s’étirent parfois interminablement, les heures des pleurs, des larmes, des cris étouffés sous la couette, les heures des portes qui claquent, des escaliers dévalés en courant pour aller prendre l’air, des kilomètres parcourus avec le regard dans le vague, les heures passées à

chercher, les yeux défoncés, sans jamais vraiment trouver. Ce temps qu’on ne sait plus comment appréhender ; on voudrait être à l’étape suivante, on voudrait savoir, on voudrait dépasser certaines difficultés et en même temps c’est ce temps de ce qui ne reviendra pas, celui de la douce dépendance, des bisous mouillés, de la confiance absolue qui nous est accordée sans condition par un petit être plein d’amour, le temps de notre « indispensabilité » qui ne durera qu’un temps …

La fatigue

C’est la fatigue de se lever chaque nuit pendant X semaines, semaines se prolongent pour certains en mois, en années, en interminable. C’est la fatigue de donner des tétées et de préparer des biberons avec les yeux collés, de ramasser des doudous, des tétines, d’apporter des verres d’eau, de changer des draps et de faire tourner des machines en pleine nuit, de rassurer des cauchemars, des terreurs nocturnes, des angoisses de séparation, de dormir assise pour contrer une toux ou un RGO, de bercer les yeux fermés, de chanter la bouche sèche, de dormir sur la tranche avec un bras en travers de la gueule, de répéter les mêmes paroles, d’être aux aguets, d’écouter respirer, de sursauter, de s’entendre appeler même quand en fait tout le monde dort. C’est la fatigue de se faire réveiller en sursaut à peine rendormie, la fatigue du réveil qui sonne sur une nuit blanche, la fatigue de devoir aller se coucher avant tout le monde pour tenir, la fatigue de se demander pourquoi, quand, pourquoi ?! La fatigue qui brouille tout, qui donne mal au crâne, au cœur, qui débranche le cerveau, qui plonge tout dans le fondé, qui déchaine les incertitudes au point qu’on ne s’entend plus penser. La fatigue à laquelle on s’habitue comme un état permanent, la fatigue qui nous rend un peu plus résistant, la fatigue qu’on dépasse grâce à des ressources qu’on s’ignoraient, la fatigue qu’on oublie presque dès qu’elle s’estompe un peu au point de replonger…

Le poids.

Le poids qui pèse sur nos épaules, de toutes ces choses qu’il faut décider, de tout ce qu’on devrait savoir et qu’on ignore, de tout ce qu’on ignore qu’on ignore. Le poids des gestes en apparence simples, basiques, banals et qui soulèvent soudain mille interrogations : pourquoi cette question ne m’avait-elle pas traversée l’esprit avant et pourquoi devient-elle si cruciale maintenant ? Le poids de la vie qui nous est confiée, à nos seules mains inexpérimentées, à notre jugement malmené, à nos instincts bâillonnés, à nos décisions mal assurées. Le poids de ne pas avoir de réponses, de ne pas avoir de certitudes, de ne pas avoir de balises, de ne pas avoir l’assurance qu’on fait bien et qu’on ne va pas leur faire plus de mal que de bien. Le poids de savoir qu’un jour ce bébé sera un adulte, un citoyen, une femme, un mari, un père, une mère et qu’on y sera pas pour rien.

Le rapport à soi

Ce qui était indispensable est devenu accessoire, ce qui n’existait pas est devenu incontournable et au milieu de cette schizophrénie il faut quand même rester soi. Tout a changé, soi en premier, on s’est effacée, gommée, désintégrée, remodelée, en pointillé, pour faire de la place à ce tout petit qui, lui, sait s’imposer. On était quelqu’un, avec des passions, des centres d’intérêt, des convictions, quelqu’un qui aimait buller, prendre son temps ou faire mille choses, quelqu’un qui avait pleins de choses à raconter et à partager, quelqu’un qui aimait être seule ou bien entourée. Et soudain ce quelqu’un est loin, enseveli sur tout ce qu’on est devenue pour être la maman de… Il faut naviguer en eaux troubles et pas outillée, le temps de trouver comment combler différemment et difficilement des besoins qu’on comblait si facilement avant et sans même y penser. Même si on passe, on passera toujours après.

La façon de voir la vie.

Il y avait le blanc et le noir, le bien et le mal, le bonheur et le malheur, ceux qui avaient tort et ceux qui avaient raison, ce qu’on était et ce qu’on n’était pas, ce qu’on voulait et ce qu’on ne voulait pas. Et maintenant tout est mélangé. C’est l’amour fou, c’est merveilleux et ça fait mal. C’est tellement de bonheur et autant d’angoisses. C’est le cœur qui explose de tendresse, de fierté, de joie, de peur, d’inquiétudes. Il y a quelques certitudes, beaucoup d’hésitations, des pas en avant, en arrière, un peu sur le côté, pour voir ce que ça donne, sans jamais être assuré. C’est à l’instinct et aux bouquins. C’est des jours d’optimismes et de chaleur dans le cœur et des jours tout gris, froids et venteux. Il y a ce qu’on voudrait, ce qu’on pense vouloir, ce qu’on aimerait vouloir et il y a surtout tout ce qu’on ne s’accorde pas. Il y a des priorités qui ont changé, il y a ce qui ne compte plus, ce qui est devenu secondaire, il y a toutes ces choses qui comptent et qu’on voudrait compter mais sur lesquelles on a plus le temps de s’appesantir.

Il y a un fil rouge, un guide, une lame de fond, profonde, dévorante, constante, un nouvel éclairage sur sa vie : faire au mieux, tout le temps.

Tout a changé, y compris ce qu’on n’était pas prêts à changer, ce qu’on ne voulait pas changer, ce qu’on ne s’imaginait pas changer.  Et pourtant… pour rien au monde on ne voudrait repartir en arrière et ne manquer une seconde de plus cette explosion d’amour à laquelle on était pas préparés …

PS : bon,  dans la liste de ce qui change, il y a aussi les craquages shopping qui sont à 90% sur des fringues pour mini-pouces, les horaires de levé, y compris le dimanche, et les horaires de coucher, y compris le samedi, l’état de l’appartement à la fin du week-end, la baignoire envahie de trucs à la con, le dessous de l’évier dans lequel on stocke des cartons et autres matériaux « pour bricoler un truc pour la petite, on sait jamais », la disponibilité pour les réunions de 18h, les afterworks et les crémaillères, la taille croissante de ta bagnole, la gueule de ton coffre quand tu pars en week-end, la gueule de ton sac quand tu pars en sortie, ta gueule quand tu pars au boulot le matin avec seulement 4 minutes pour te maquiller même pas devant un miroir, la répartition de tes dépenses mensuelles, tes sujets de conversation principaux et tes sujets principaux de photographie dans ton téléphone, la fréquence de tes partie de jambe en l’air, les cris d’hystérique que provoquent l’ouverture d’un cadeau ou une chasse aux oeufs de Pâques…  To be continued 😉 😉

avoir un enfant ça change quoi happynaiss

 

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28 réflexions au sujet de « Avoir un enfant, ça change quoi ? »

  1. C’est tout a fait ca. Jamais un regret et pourtant parfois des « avant je faisais ca » et des « pourquoi je m en fous maintenant de mon boulot c’est normal ? »
    Et pourquoi on te dit pas à quel point c’est beau et à quel point c’est dur parfois….
    Mystère et tabou de la parentalité….

    Merci merci 😊

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  2. Très bien dit ! une vie bouleversée, quasiment une « 2ème naissance » je trouve, plein de bonheur mais aussi des difficultés ! on vit dans le monde parallèle des parents de jeunes enfants…

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  3. Merci pour ce texte qui m’aide à éclaircir ce que ma femme traverse et que je cherche à adoucir pour continuer à profiter toujours plus de nos bientôt trois petits bouts d’amour

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  4. oui, tout à fait ça!! je le reconnais,
    merci encore pour ce don, ton écriture, de prendre le temps de poser tout ça…
    qui me fait à chaque fois beaucoup de bien…
    joyeuses paques… attention, le temps file!!!

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  5. Magnifique article, comme d’hab, mais celui là tu t’es surpassée en poésie/manière d’écrire subtile et élégante à la fois, tu arrives si bien à nous amener dans « la peau » de tes récits, bref ARRÊTE TON BOULOT (de merde?!) ET METS TOI A L’ÉCRITURE !!!!! Promis j’achète ton premier livre! 😉

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  6. Ca fait plusieurs mois que je lis ton blog et je souhaitais te remercier pour tous ces articles qui me font du bien! Alors comme ça je ne suis pas toute seule à avoir une petite fille tempétueuse, qui ne dort encore par toute une nuit complète,qui finit toujours dans le lit parental, qui a toujours autant besoin de se faire porter du haut de ses 16 mois et qui est encore et toujours allaitée…
    Tes articles me redonnent du courage quand je ne tolère plus les réflexions, les regards désobligeants, quand je me remet en question. Un vraie bouffée d’oxygène!

    MERCI!

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  7. Bonsoir,

    Comme d’habitude…un très bel article, criant de vérités, de joie bonheur, tendresse et plus encore…
    Ton article m’a émue, beaucoup même… je m’y retrouve énormément et c’est vraiment ça, une explosion de tout, on pensait tout savoir avant et finalement on ne savait pas grand chose…
    ces si petits etres, nos bonheurs de chaque seconde, chaque minute… ces journées fatiguantes, ou l’émotion est à son comble, les doutes, remises en questions…les pleurs, les cris, la fatigue encore et toujours… pour finalement arriver à une famille, SA famille et ça, ça n’a pas de prix 🙂
    Bref, merci!

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  8. Bonjour,

    Je t’ai envoyé un message il y a quelques temps et tu avais pris le temps de me répondre. Ensevelie par la masse de choses à faire, je n’avais pas encore pris le temps de te remercier de tes conseils 🙂

    Je ne pense pas que tu t’en souviennes, je te demandai des conseils concernant les critiques de l’entourage…! Je reçois ma belle famille la semaine prochaine, à voir si j’arrive à mettre tes conseils en pratique 🙂

    En tout cas, merci encore pour ton dernier article, vraiment très joli et criant de vérités 🙂 j’entends encore ma sœur me dire « Oui bah nous on fera comme ça, on y arrivera… on veut avoir trois enfants, c’est chouette quand même 3… » « Oui Oui, c’est chouette, mais je pense qu’ils sont encore dans la phrase d’intro de ton article 🙂 car pour le moment ce n’est qu’un rêve pour eux!

    Je suis maman d’une petite fille de 25 mois et d’une toute petite fille de 6 mois (déja…!). Oui, avec un deuxième enfant, c’est dingue mais tu ne t’ennuies jamais (on avait du temps en fait avec un seul enfant, mince !). En tout cas, félicitations, c’est une merveilleuse aventure (vraiment!). La complicité qui continue de Naitre entre mes deux filles est magnifique… je trouve que c’est super d’avoir deux filles, et de petites foooes d’âges rapprochés, c’est magique 🙂 très tes épuisant, mais magique!

    Ton projet d’accoucher à la maison est aussi un vrai projet. J’ai hâte que tu nous raconte un peu tes sentiments à l’arrivée de cette petite merveille, à ton domicile, en toute intimité. Bravo d’avoir passé le cap en tout cas… 🙂 j’aurai tellement aimé le faire, mais mon mari a vraiment eu peur de ne pas avoir cette sécurité médicale (blouse blanche, Rose, la clinique, les médecins…). Je sais que tu vas être très bien entourée et que tout se passeras bien 🙂 je trouve cela chouette en tout cas et voulait te le dire.

    Allez, mes deux filles sont tout juste couchées, je vais pouvoir profiter de mon mari 4 minutes et…m’endormir d’épuisement … 😉

    Profite bien de ta grossesse, de ton gros ventre… il me manque déja 🙂

    Emmanuelle B

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