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Lettre à mon enfant qui va devenir mon ainée

Ma fille,

Je me souviens comme si c’était hier du jour où j’ai fait ta rencontre, LA rencontre la plus bouleversante de ma vie.

acvcouchement1

Depuis ton premier jour à mes côtés tu n’as cessé de me surprendre ; d’abord tu as été ce nourrisson qu’on n’entendait jamais pleurer, là où je m’étais préparée à essuyer des pleurs dès tes premières heures. Puis quand je commençais à croire que je te connaissais, que tu serais un bébé calme et moi une maman sereine, voilà que tes pleurs sont devenus intenses, inconsolables, interminables. Je n’ai eu de cesse de chercher des solutions et des astuces qui ne fonctionnaient qu’un temps, comme si tu ne voulais pas que je me repose sur mes lauriers et surtout pas que je te range dans une case quelconque.  Tu tétais seulement quelques minutes à chaque fois et pourtant tu grossissais à vue d’œil. Tu étais épuisée mais tu ne trouvais pas le sommeil. Tu dormais mieux quand il y avait du bruit autour de toi. Tu aimais les routes chaotiques quand on se baladait en poussette et tu pleurais si je prenais garde à ce que tu ne sois pas bousculée. Ton sommeil était imprévisible, inconstant, incohérent, par phases avec des creux de vagues sans fond. On a fini par penser que tu étais une enfant qui avait un « mauvais sommeil », qu’il en serait ainsi pour toujours, mais toujours ne veut rien dire pour toi. A 2 ans et demi tu fais chaque jour des siestes de 3 heures, tu t’endors avec plaisir et tu peux dormir n’importe où du moment que je suis à tes côtés. On avait fini par penser que tu serais une enfant un peu nerveuse, mais tu te révèles concentrée, délicate, attentive… Tu nous as étonnés à chaque étape, à chaque découverte, à chaque tournant.

On s’est posé beaucoup de questions avant de concevoir un deuxième enfant, on pensait que tu serai fâchée, que tu te sentirai trahie, délaissée. On avait mal au cœur pour toi parce qu’on n’avait pas mesuré comme ton cœur est grand et combien il fonctionne différemment de nos cœurs frileux d’adultes. On pensait affronter une tornade d’émotions, une boule de rejet ou peut-être une montage d’indifférence ; tu as accepté la nouvelle, tu t’es réjouie, tu as préparé son arrivée avec enthousiasme, tu lui as fait une place dans nos vies tout simplement, avec bien plus de facilité que moi.

Encore une fois tu nous as soufflés, estomaqués : ta petite sœur, tu l’aimes avant qu’elle ne soit née et je ne sais même pas comment c’est possible. Tu lui dis spontanément, tout le temps : « Je t’aime petite sœur! » et tu veux tant lui donner, alors que tu ne la connais pas encore. Tu l’aimes alors que moi-même je ne sais pas encore bien comment l’aimer. 

Le grand jour approche et je vois que ça te travaille très fort ; ta petite sœur est partout dans ta tête.  Elle est dans ta bouche, dans tes jeux, dans tes pensées, dans ton cœur. Tu veux qu’elle soit là, tu veux la bercer, tu veux lui donner le sein, tu veux la coucher dans ton lit, tu veux lui prêter tes jouets, tu veux lui montrer comment faire de la trottinette, tu veux lui brosser les dents, lui donner son bain, tu veux qu’on se taise chut chut quand elle dort, tu veux la porter et tu fais attention à sa tête, tu me demandes chaque soir au retour de la crèche si elle est sortie, tu répètes le plan de garde pour le jour de l’accouchement, tu penses qu’elle aura les cheveux blonds, bruns, oranges, tu lui expliques qu’on ne tape pas, tu lui dis que papa et maman vont la porter tout le temps, que tu lui chanteras une chanson si elle pleure, que le ventre de maman va se serrer très fort pour l’aider à naître, tu l’embrasses dans mon ventre, tu dis qu’elle te donne des « coups de câlins », tu dis qu’elle est toute mignonne, qu’elle a des grandes jambes et des petites mains, tu refuse qu’on mette quoi que ce soit dans son siège auto vide car c’est sa place et celle de personne d’autre.

fratrie grossesse deuxième enfant

En même temps, je perçois tes craintes dont tu n’es sûrement même pas consciente. Ça tourne tellement dans ta tête que ça te réveille la nuit, ça t’empêche de dormir et de t’endormir. De nouveau en proie aux réveils nocturnes, tu t’assois comme montée sur ressors et tu me répètes « Quand la petite sœur va venir je vais un petit peu chez J. et après papa viendra me chercher et je pourrais la voir« , un peu comme un mantra, une formule magique. Tes éveils peuvent de nouveau durer plusieurs heures, à te tourner, te retourner, lâcher des bribes de ce qui te tracasse, puis « allez on parle plus, chut, dodo » me dis-tu comme pour te convaincre toi-même, mais ça ne marche pas. A peine allongée, tu me chuchotes à nouveau: « la petite sœur va bientôt venir! » avec tes yeux grands ouverts et pas prêts à se fermer. Chaque soir, l’endormissement est long, compliqué, toi qui t’endormais en quelques minutes, tu ne veux pas dormir, on ne sait jamais ce qui pourrait arriver. Tu m’attires contre toi, tu m’enlaces, tu me caresses le bras, la joue, la poitrine. Tu me respires, tu m’embrasses, une fois, deux fois, dix fois. « Maman je t’aime grand comme l’univers, je t’aime à la forêt, je t’aime toute la journée, je t’aime comme une girafe et deux éléphants ». Ça me fait fondre et dégouliner, mais ça dure, ça dure… Je suis fatiguée, lourde, j’ai du mal à me mouvoir, j’ai peu de patience, j’aimerais que tu dormes vite et bien pour pouvoir me reposer et en même temps je chéris ces demandes d’amour, je sens comme elles sont importantes et parfois je me demande laquelle de nous deux en a le plus besoin  ; bientôt mon bébé sera grande sœur, mon enfant sera mon ainée. Peut-être bien que tu sais mieux que moi ce dont j’ai besoin, en m’imposant chaque soir ce long temps de repos et d’amour…  Et gare à moi si j’ose te laisser à ton papa pendant quelques minutes pour faire une course ou sortir les poubelles ; te voilà paniquée, tu veux venir avec moi, « mais je t’aime!!!! » me cries-tu à la figure comme si j’étais sur le point de te déposer dans un panier en osier devant la première caserne de pompiers venue..

fratrie deuxième enfant

Pourtant ton papa n’est pas en reste ; ce matin tu es arrivée dans notre chambre, tu t’es glissée entre nous, tu l’a entouré de ton bras : « Bonjour mon papou« . Chaque matin, c’est « encore un petit bisous! » quand il part au travail, puis tu cours dans ta chambre te poster à ta fenêtre pour le voir partir en voiture. Et gare à lui s’il oublie de te faire coucou ! Le soir, tu peux attendre qu’il rentre du travail pendant 15, 20 minutes, assise sur notre pallier, à faire des allers-retours dans le couloir, à te précipiter dès que l’ascenseur monte.. .Tu dois pressentir qu’il va devenir ton meilleur allier dans les semaines à venir et qu’il faut t’assurer son soutien, quand ta maman sera de nouveau à l’état de mammifère primaire obsédé par son nourrisson…

fratrie arrivée deuxième enfant
Remarquez que l’enfant est souvent cul nue….

 

Dans notre foyer, se prépare l’arrivée d’un bébé : chacun à notre façon, nous gérons ce que cette venue suscite en nous. Comme souvent, c’est toi, notre fille de 2 ans et demi, qui nous en apprend le plus… Tu nous as fait devenir parents, tu nous a appris la patience, la résistance et l’abnégation, mais aussi la joie, l’intensité et la force infinie de l’amour parental, tu nous as appris à prendre la vie comme elle vient, à prendre le temps autrement, tu nous as appris à aimer vraiment. Et déjà, tu nous apprends comment aimer cette nouvelle petite vie encore si mystérieusement pour nous, en nous montrant qu’on peut l’aimer elle, tout en t’aimant TOI encore plus fort…. 

20 réflexions au sujet de « Lettre à mon enfant qui va devenir mon ainée »

  1. Euh…. Moi!!!! 😀 J’ai des frissons. Je rêve d’écrire ce genre de lettre à mon fils (bon je ne suis pas enceinte lol, juste des lettres d’amour… pour plus tard…. pour se souvenir….)
    Tu m’as bluffé et bouleversé. Tu es faite pour écrire ❤

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  2. J’y suis allée de ma larme aussi!! Et bien, beaucoup d’émotions en lisant tes mots. Dans quelques mois nous vivrons aussi cette étape, notre famille s’agrandit mon petit prince de 20 mois, ce petit bout d’homme que j’ai tant attendu, désiré, que j’aime tant va devenir mon ainé. Depuis le début de ma grossesse, plus moyen pour lui de dormir dans son lit c’est uniquement entre papa et maman dans notre lit. Me voir m’éloigner provoque hurlement, crise de larmes et profonde tristesse alors nous sortons les moyens de portage aussi souvent que possible et nous remplissons ainsi nos jauges d’amour, nous nous rassurons mutuellement et on ne cesse de se dire que l’on s’aime de l’infini à l’au delà en nous couvrant de bisous, nous profitons de chaque tétée comme si elle sera la dernière. J’ai peur de ce jour ou notre famille va s’agrandir, peur de le délaisser, que nous n’arrivions pas à trouver notre place, un nouvel équilibre, qu’il se sente mit de côté et pourtant au fond de moi j’ai la sensation que c’est lui qui va me montrer le chemin, me guider à travers mes peurs et faire de moi, avec l’aide de son petit frère, une nouvelle maman plus sure, plus forte.

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  3. Très sympa ! Et très vrai. Les ainés sont bluffants ! Quand notre petite a vu son frère arriver en janvier, on a été très surpris de sa maturité, de sa joie de voir un autre être arriver. Et si on a eu aussi quelques impacts sur les nuits, ça s’est vite calmé après. On découvre vraiment le côté inconditionnel de l’amour des enfants ! Et on adore d’ailleurs voir à quel point un lien fort s’est déjà créé entre elle et son frère (qui n’a d’yeux que pour elle !)
    Petit complément aussi avec mon oeil de papa : c’est clair que l’arrivée du 2ème a un impact fort sur la relation entre l’ainé(e) et son papa. Dans mon cas, ça a beaucoup densifié nos liens pour le meilleur je trouve.
    Bref, un nouvel équilibre qui se trouve peu à peu, mais vraiment un super équilibre à 4 !
    Prenez soin de vous ! A bientôt

    Arnaud

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  4. Je n’ai pas pu compter mes larmes, tellement il y en avait… Peut-être parce qu’en ceinte du troisième, je me pose toujours les mêmes questions existentielles ! Bref, très belle lettre qui tombe à point nommé

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  5. Trop mignon ! super d’avoir une grande qui attend avec tant d’impatience sa petite soeur 🙂 Je vous souhaite une très belle rencontre avec votre 2ème fille, beaucoup d’émotions à venir !

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  6. S’adapter à son bébé/enfant c’est ce qui ressort le plus dans ton texte. Et essayer de comprendre pourquoi les nuits agitées après une période calme, les préoccupations face au bébé à naître, une forme d’angoisse devant l’inconnu.
    Ma fille réagit pareil, elle me demande souvent quand le bébé sera là (en automne quand les feuilles tombent lui dit-on… Elle va à la fenêtre guetter les arbres…). Plus personne d’autre que moi ne peut l’habiller, la baigner, lui faire son biberon. Elle se recentre sur moi uniquement au détriment de son papa et des autres. Les nuits agitées avec endormissement difficile…Pas simple à gérer mais je me dis qu’elle va encore évoluer d’ici la naissance et surtout après.
    Bon courage pour votre dernière ligne droite avant l’arrivée de votre seconde fille. Et que tout ce déroule comme sur des roulettes avec le programme établi pour gérer votre première le jour J.

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  7. Quel joli texte ! Chez nous l’aîné ne s’est pas montré très concerné par ma deuxième grossesse et à mis plusieurs mois à s’intéresser à son petit frère qui a 2 ans de moins que lui. Vous avez de la chance que votre grande attende sa petite soeur avec autant d’amour !!
    Rien à voir mais je compatis pour l’endormissement, ici aussi le petit met des plombes à s’endormir le soir (1h en moyenne) et pousse des hauts cris si on envisage de le laisser seul dans sa chambre, j’aimerais avoir ta patience et ta sérénité 🙂

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  8. magnifique, je n’ai pas pu retenir mes larmes.
    chaque article me parle et me touche d’une façon que je n’aurais pas pu imaginer.
    merci du fond du coeur, cela fait du bien dans le tourbillon de la maternité, de savoir qu’on n’est pas seule et d’avoir quelqu’un pour mettre des mots sur ce qu’on ressent.

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  9. Merci pour cette magnifique lettre à vôtre ainée, j’ai bien versé ma larme(euh une seule?…)
    Mon deuxième arrive dans moins d’un mois et ma grande de presque 4 ans réagit pareil malgré la difference d’âge.. des calins, des je t’ aime à toutes heures du jour et de la nuit , des  » quand mon petit frère sera là… » merci de m’encourager à prendre ces difficultés à dormir comme des preuves d’amour et non comme des tests pour mettre mes nerfs (fatigués) à l’épreuve!

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