0-3 ans : S'attacher·Et moi alors ?

Les 2 « R » du parent : Râler, Regretter…

C’est quand je percute que ça va faire une demi année qu’elle est dans mes bras.

C’est quand elle m’explique qu’elle était aux toilettes, qu’elle s’est essuyée, qu’il y avait une goutte par terre, qu’elle a pris l’éponge de la salle de bain et du papier pour nettoyer, que sa culotte était mouillée alors elle l’a mise au sale et elle en a pris une autre dans sa commode, qu’elle a tiré la chasse, éteint la lumière et rangé le marchepied. Tout ca sans respirer.

C’est quand elle tète avec ses grandes jambes qui s’agitent dans le vide et sa main potelée qui presse mon sein quand ça ne va pas assez vite.

C’est quand je l’imagine perdue au milieu de la cour de récréation avec son petit sac à dos et son air perplexe.

C’est quand je voudrais la porter enroulée contre moi, un bras sous sa base, et qu’elle pousse tellement sur ses jambes qu’elle est debout sur mes cuisses.

C’est quand elle part avec sa mamie en vadrouille ou passe l’apres midi seule chez son cousin comme si elle l’avait toujours fait.

C’est quand elle passe sur le ventre, attrape un truc, glisse son bras sous elle et revient sur le dos pour le bouffer à l’aise, easy peasy.

C’est quand on est en train de choisir quels copains on invite à sa fête d’anniversaire.

C’est quand la gigoteuse est trop petite, quand j’enlève le réducteur du siège auto, quand je range le doomoo, quand je trie les fringues, quand je ramasse les cheveux qu’elle perd.

C’est quand elle va au cinéma avec les copains de la crèche.

C’est quand je sors le mid tai et le preformé, quand je déballe les jouets 1er age, quand j’installe les cache prise et quand je dégaine l’huile Neobulle premières dents.
C’est quand je la laisse manger des frites ET une glace au restaurant parce qu’elle a assez grande pour ces entorses. 

C’est quand elle lape de la camomille au verre et tripote dans ma compote.

C’est quand elle se tourne dans son coin pour s’endormir après un « bonne nuit maman » très solennelle et s’endort sans plus d’ambage.

C’est quand elle passe 4 heures sans moi et qu’à mon retour elle ne tète même pas.

C’est quand on joue à des jeux de société et qu’elle respecte toutes les règles.

C’est quand elle arrive à me faire comprendre ce qu’elle veut avec un regard et quelques cris expressifs, sans un pleurs.

C’est quand ses cheveux mouillés lui arrivent jusqu’aux fesses ou qu’elle me demande une coiffure de Reine des neiges.

C’est quand des connaissances ont des bébés plus jeune qu’elle alors qu’elle est née hier.

C’est quand d’un coup je prends conscience de ce qui était et qui ne sera plus.


La plupart du temps je me dis que je profite largement de mes filles et que j’ai hâte de passer à d’autres partages, d’autres échanges, d’autres expériences avec elle. Sortir de cette grande dépendance, ces besoins qu’on ne peut différer, les tempêtes émotionnelles, les pleurs qu’on ne comprend pas, les nuits merdiques, les enfants qu’on a toujours à bras, la liberté très conditionnelle…

Et parfois, au detour d’un geste, d’une parole, d’une odeur, d’un regard, d’un instant, je réalise que tout ce qui passe ne reviendra pas et que ça va terriblement me manquer 

Au milieu des journées qui n’ont parfois ni début ni fin, ni queue ni tête, des nuits écoutées, des crises essuyées, de la fatigue accumulée, c’est la vie qui passe.
Est ce que j’en profite assez ? 

Est ce que je dis assez merci ?

Est ce que je prends assez le temps ?

Est ce que je savoure assez pour en garder pour demain ?

Probablement pas.
J’essaye, j’essaye de m’arrêter, de graver, de savourer, de fixer dans ma tête, de photographier, de filmer. Je sniffer des cous à m’en faire tourner la tete, je bisouille des joues a les user, de chatouille des cuisses potelées, je papote, je caresse, j’enlace… jessaye de profiter. De vivre pleinement.

Mais je suis ainsi faite que ma tête est toujours pleine, ma liste de choses à faire toujours longue, mon regard toujours tourné vers demain. Ce demain qui devient aujourd’hui à mon insu.

Nos vies trepidentes, et la fatigue immense, et les choses inutiles que je me rajoute sur le dos, et toutes ces pensées envahissantes sur l’avenir, font que je ne suis pas assez dans le présent et que j’en prends douloureusement conscience dans ces moments où la nostalgie me serre le coeur comme un étau. 

Et je suis en colère contre moi même d’entrer dans ce piège des parents, vu et revu, celui qui fait qu’on regrette amèrement tout ce qu’on a râlé.
C’est ça, ce que je vais ressentir chaque jour où elles vont grandir ? Chaque fois qu’une étape que j’ai attendue se réalisera, vais-je regretter la précédente, ou du moins me demander si je l’ai assez vécue ?

Comme toutes ces fois où j’ai souhaité que ma Carrousel fasse ses nuits et apprenne à s’endormir seule et ces quelques fois où elle l’a fait je me suis sentie vide et seule ? 

En même temps j’accueille : je fais du mieux que je peux, dans la vie qui est la mienne, avec les cartes entre mes mains. Ça pourrait être mieux, ça pourrait être pire aussi.

Prendre conscience, c’est déjà se donner une chance d’avancer dans le bon sens.
Et je me pose des questions sur moi.

Sur tout ce que je donne, sans en savourer les fruits.

Sur tout ce qui m’entrave sur le chemin que je veux prendre et que je ne prends pas le temps de regarder en face.

Sur tout ce que j’ai lâché pour être la mère que je veux être, sans pour autant être encore satisfaite de moi.

Qu’est ce que je serai quand elles n’auront plus (autant) besoin de moi ? 

Qui je serai quand la maternité ne m’aspirera plus à 300% ?
Je n’ai pas de réponse mais j’ai un élan.

L’élan qui donne envie de changer.

De me bousculer encore un peu, de laisser tomber certaines choses, de dire non à certains et oui à d’autres.

De ranger mon téléphone dans un tiroir et de débrancher mon clavier quand je suis avec mes filles pour être plus là pour de vrai.

De faire encore plus ce qui me fait oui, sans me poser de questions.
Et parce que le changement c’est right now, j’ai commandé notre matelas 180 cm, pour ne plus prendre une seule nuit à pester contre le manque de place au lieu de sniffer ma Carrousel, ma Fusée au sein et papa Ours me faisant du pied. CA c’est le bonheur version présent ! 😉

12 réflexions au sujet de « Les 2 « R » du parent : Râler, Regretter… »

  1. Nos enfants sont la tangibilisation « extrême » du temps qui passe. Quand ils n’étaient pas là, on voyait les années défiler, mais avec cette idée que « demain, on prendrait le temps ». Maintenant qu’ils sont à nos côtés, tout a changé. Et effectivement, chaque semaine qui passe, c’est à la fois une porte qui se ferme sur un passé que nous ne vivrons plus… tout autant qu’une porte qui s’ouvre vers un tas de nouvelles choses merveilleuses ! Alors comme tu le dis, prends conscience qu’il faut que tu profites un max du moment présent. Et laisse les regrets de côté car c’est le meilleur moyen de te faire perdre le fil de ce moment présent !

    Bon dimanche !

    Arnaud

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  2. Là ou moi je colle des métaphores et des figures de style toi tu nous offre une plongée dans l’authenticité de ton journal intime de maman, entière, vraie…
    y’a de l’amour entre chaque ligne st chaque virgule, j’aime tes articles qui se questionnent avec la juste sensibilité des âmes profondes.

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  3. Trop joliment dis comme d’habitude! Qu’est ce que je regrette de rien avoir écrit, de ne pas avoir été assez présente pour savourer chaque instant, d’avoir pensé au prochain repas, à mes rancœurs envers son papa qui n’était pas assez présent…ma petite n’a que 2 ans et demi et j’ai l’impression d’avoir oublié tout ce qui était hier, tout ce qui a fait ce que nous sommes aujourd’hui…je crois que je vais écrire de ce pas pour ne pas oublier tout ce qu’il me reste d’elle qui grandit si vite et graver ces souvenirs qui me font fondre, toutes ces petites choses que vous savez si bien relever!!MERCI!!

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    1. Ton message me rassure, je me dis pareil pour mon fils de 2 ans. Les premiers mois ont été sans sommeil et ça m’a empêché de tout fixer dans ma mémoire, j’ai l’impression de ne me rappeler de rien…. Mais là, j’ai pris des bonnes résolutions, j’ai commencé un cahier, où je lui écris!

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  4. Tu me laisses sans voix, tout est là, tout est dit…
    Ma tête est bien trop pleine aussi et je rêve d’un bouton STOP pour vivre et profiter de ces minutes qui s’egrennent à la vitesse de l’éclair.
    Demain ne reviendra pas, je suis là ici et maintenant, je le sais et il faut apprendre à le savourer cet ici et maintenant…
    Merci à toi toujours et encore…

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  5. Je retrouve dans tes mots toute mon ambivalence. Si fière de voire mes deux filles (dont la deuxième a exactement l’âge de ta carrousel) grandir. L’impression de jouer pleinement mon rôle de maman lorsque je les vois petit à petit se détacher de moi, quand je regarde de loin à la porte de la classe Babychou (en très petite section) au milieu des autres enfants à faire des puzzles sans avoir versé une larme sur mon départ, ou quand je regarde dans le rétroviseur Pucinette (6 ans et demi) parcourir seule la tête haute les 20 mètres qui la séparent de la porte de l’école. Et pourtant…je passe mon temps actuellement à regarder leurs photos de bébés, à réécouter les premiers mots filmés ou à relire les petites phrases qu’elles ont pu dire. Et pourtant… Aussi fiere que j’ai pu être que la maîtresse de grande section suggère de faire sauter une classe à ma grande, au fond de moi il y avait cette impression qu’on me « volait une année » et une étape. Et pourtant…dès que je répète à Babychou que c’est une grande fille maintenant et plus un bébé, je ne sais pas qui j’essaie de convaincre…
    Et le fait d’être en train de tourner définitivement la page d’une nouvelle naissance me donne encore plus cet arrière goût de nostalgie…

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  6. Eh oui, c’est joliment tourné. Beaucoup de sentiment dans tes mots. Des mots qui prouvent que malgré tout, tu sais en profiter ! Et face à ce meme débat interne, je me rappelle régulièrement que si j’abandonnais le reste, je n’en profiterais pas autant, alors, j’accueille ce qui se présente, et j’essaye de savourer.
    On est finalement tous dans le meme bateau !
    (sauf le lit, ça pour le coup, je n’ai jamais pu. Trop besoin de bien dormir…)

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  7. Tout est si bien dit!
    Et comme je comprends ce regret qui nous serre le cœur. Je dois reprendre le travail, faire l’adaptation auprès d’une assistante maternelle et sevrer mon si petit bébé, né trop vite, trop tôt et trop fragile. C’est un crève-coeur, j’en pleure, pleine de regrets de ne pouvoir être avec lui et lui donner le meilleur.
    Alors je passe le peu de journéesq encore à la maison à le porter, le câliner, lui parler et accumuler le plus de sourires possibles et de moment de tendresse… La vie est trop courte surtout cette parenthèse que représente le congé maternité.
    Merci pour tes mots si justes qui m’incitent à profiter de chaque instant passé avec lui même à 4h00 du matin !

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