Et moi alors ?

Gratitude

Avant noël, j’avais activé le mode « ras-le-bol », option auto apitoiement. Je tournais en boucle sur le thème « pourquoi j’ai pas des enfants faciles comme les autres, c’est pas juste que c’est sur moi que ça tombe d’avoir toutes les merdes de la terre, personne ne me comprend, et puis j’ai mal à la tête à force de ne pas dormir je vais mourir, et qu’est ce que c’est que ce bordel partout, je ne m’en sortirai jamais, j’en ai marre de cet appart dans cette ville de merde, je me sens seule, et d’abord je veux manger du fromage !« . Papa Ours m’a très gentiment dit, avec son tact fou et sa voix douce, qu’il ne supportait plus de voir ma tête de mégère. Hum hum, ambiance, joie et esprit de noël.

Nous attendions donc avec impatience les vacances dans notre famille en province pour nous reposer, moi et mon incroyable naïveté. Au programme dans ma petite tête optimiste (en plus du pétage de panse réglementaire et du déballage de cadeaux par milliers) : passer un ou deux moments de qualité à l’extérieur avec ma Carrousel pendant que Papa Ours s’occuperait de notre Fusée, histoire d’inverser un peu les rôles. Chaque jour, alternance du parent qui se lève, pour pouvoir dormir un matin sur deux jusqu’à, soyons fou, 8h30 ! Et, soyons complètement insensés, une nuit SEULE chez ma mère pour récupérer, pendant que Papa Ours se débattrait chez ses parents avec notre Fusée qui tète habituellement au moins 3 ou 4 fois dans la nuit. Oui, j’étais fatiguée au point d’envisager cet arrangement que j’ai toujours refusé du temps où j’étais encore une primipare motivée et accrochée fermement à ses principes.

Alors d’abord, vacances de noël et repos sont deux termes antinomiques par essence, donc tout ce beau plan était voué à l’échec dès le départ, j’aurais du le savoir. Mais en prime, j’ai eu des soucis familiaux assez conséquents qui m’ont littéralement aspirés pendant ces deux semaines : inquiétude, épuisement mental, insomnies, larmes, longs trajets en voiture quotidiens, culpabilité, démotivation. Après ces deux semaines en province, j’ai décidé de rentrer chez moi après de longues hésitations car j’ai senti que j’avais besoin de prendre du recul et de retrouver mes repères pour ne pas sombrer.

J’étais donc de retour dans ma banlieue Parisienne, sur le chemin de la crèche, ma Fusée en écharpe, ma Carrousel au bout du bras en train de blablater, nos tympans gentiement vrillés par le marteau piqueur des ouvriers du tram, mes pensées occupées par la lessive à lancer, les cadeaux de noël des filles à ranger, la sécu à contacter (une autre entreprise bien périlleuse!) et je me demandais un peu si j’avais bien fait de rentrer.

Et, après deux semaine de retour dans mon quotidien, bien que la fatigue ne se soit pas allégée (j’ai eu l’indécence d’avaler deux carrés de chocolat au caramel contenant du lait et je l’ai payé par 2 nuits de hurlements, ça ne valait pas le coup même si c’était du Lindt!) et que les soucis ne s’envolent pas comme par magie, je me suis rendue compte que j’éprouvais, un peu étrangement, beaucoup de gratitude.

… la gratitude de prendre le temps chaque matin de déjeuner tranquillement avec ma Carrousel et ma Fusée, de faire des jeux avec ma grande, de mettre de la musique à ma petite, de se faire un câlin-bataille sur le lit avant le départ pour la crèche, d’être chaque jour spectatrice attentive des progrès de ma Fusée, de marcher au rythme de mes filles sur les routes que l’on emprunte  : parce qu’on est pas pressées, que mon patron ne m’attend pas, parce que j’ai décidé de prendre un congé parental de nouveau.  La gratitude pour ce temps en plus pour des moments importants, même si ça implique des sacrifices.

… la gratitude quand ma Carrousel m’a proposé de me servir un thé ou du lait dans sa dînette et qu’elle a ajouté spontanément « T’inquiète pas, j’ai du lait d’amande pour toi. J’ai aussi du beurre végétal pour tes tartines! » La gratitude pour ses deux bras autour de mon cou, « Tu pleures maman? Je te fais un câlin« , je croyais pourtant qu’elle jouait dans la pièce d’à côté… La gratitude pour sa sensibilité, même si elle implique de grands besoins.

… la gratitude pour le sourire plein d’amour et d’innocence de ma Fusée, son regard intense qui vient nous chercher au fond des tripes, son inépuisable énergie, sa bouche qui me cherche sans cesse la nuit, ses rires aux éclats qui font gonfler mon cœur à exploser, pour les défis qu’elle me pose et m’impose aujourd’hui et demain. La gratitude pour cette deuxième petite fille hors du commun, même si cela implique beaucoup de fatigue.

… la gratitude pour leurs naissances en douceur et pour mon corps qui m’a enfin révélé sa puissance. La gratitude pour deux naissances respectées même si elles étaient bien différentes.

… la gratitude pour les regards échangés entre mes deux filles, les sourires contagieux, les bisous qui pleuvent à étouffer, les joues de l’une trempées de la bave de l’autre, les « maman tu peux mettre bébé Fusée à côté de moi dans le lit pour que je lui fasse un câlin« , les « Je t’aime ma petite Fusée, t’es trop mignonne!« , les grands yeux admiratifs devant une chevelure blonde qui tourne en musique, les mains potelées qui étreignent des mains encore plus potelées. La gratitude d’éprouver la plénitude de voir s’aimer si fort les deux êtres que j’aime le plus au monde, même si je connais aussi d’autres sentiments à d’autres moments. 

… la gratitude pour le toit au dessus de ma tête même si je râle souvent du manque d’espace, la gratitude pour les draps propres dans mon lit même s’il n’y a pas assez de place dans ce lit, la gratitude pour la chaleur du joyeux bordel habitant chaque pièce même si cela me fait pester . La gratitude pour ce sentiment profond d’avoir un « chez moi » même s’il est loin de mon ancien chez moi.

… la gratitude pour ma belle-mère qui me fait des lasagnes au beurre végétal, qui emmène ma grande au spectacle et qui me chouchoute pendant deux semaines, la gratitude pour ma mère qui s’est dépatouillée avec les couches lavables de ma Fusée et l’a portée sans relâche pendant mes absences forcées, la gratitude pour Papa Ours qui joue, lave, essuie, nourrit, enlace, habille, porte et aime pour deux quand il faut, la gratitude pour toutes les personnes, parfois inconnues, qui m’ont aidé à allaiter dans des lieux et places incongrus ces derniers temps, la gratitude pour les personnes qui m’ont forcée à prendre soin de moi (aussi). La gratitude d’être entourée et bien entourée pour ce qui compte vraiment, même si parfois on se sent seule. 

 

La vie est parfois bien étrange.

L’humain est bien complexe.

Tu as presque tout et tu ne vois rien, si ce n’est ta petite fatigue, tes petites difficultés, tes petits maux de tête et ton petit dos en compote.

Et puis bam.

Un gros coup de massue sur la tronche, qui prend une forme ou une autre: la vie nous rappelle à l’ordre.

Ce que tu as, tu pourrais aussi ne pas l’avoir.

Et alors, c’est dans ces moments difficiles, ces moments où tu pourrais vraiment te plaindre, ces moments où profondément ça ne va pas… que tu ressens de la gratitude.

Il y a quelque chose à tirer de chaque mauvaise expérience de la vie.

Merci pour la gratitude.

23 réflexions au sujet de « Gratitude »

  1. Très émouvant…. Ça me touche de te savoir et de te sentir mal à travers tes mots (et tes maux!), même sans te connaître. Mais je t’admire pour cette force de caractère qui te permet de voir ces petits bonheurs à travers la grisaille. Je t’admire aussi pour ton courage. Entre autre celui de te mettre à nu pour nous tes « lecteurs ».
    Quant à tes soucis personnels j’ose espérer qu’ils sont derrière toi ou en voie de disparition …
    En tout cas , n’oublie pas que ce que tu fais ici ce n’est pas futile, ce n’est pas rien. Tu me fais du bien à moi! Te lire est important pour moi. TU N’ES PAS SEULE!!! 😉
    Je t’envoie autant de bonnes ondes que tu as pu diffuser à travers tes articles….
    Et vive les petits bonheurs du quotidien et vive la gratitude, tu fais bien de le rappeler. 💖
    Prends soin de toi.

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  2. Tu touches du doigt une réalité au fond si paradoxale que celle d’être au pied du mur pour réaliser qu’on vit aussi de belles choses. Et que l’on doit réussir à leur accorder plus d’importance au quotidien, à ces belles choses. C’est si troublant que la gratitude ou le bonheur, si elles n’ont pas de prix, aient un cout, et nous demandent un effort pour les percevoir.

    J’espère que les prochains mois iront mieux. Merci en tout cas de partager tout ca.

    Amitiés

    Papa Arnaud

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  3. Beaucoup de courage pour les semaines et mois à venir, et que les soucis s’estompent !
    Il est parfois difficile de faire la part des choses quand on est fatigué et dépassé par les évènements.
    Mais je trouve qu’il n’est pas interdit de se plaindre même si d’autres sont dans des situations plus compliquées. Tu as le droit d’exprimer ton ras-le-bol, c’est même conseillé de vider son sac parfois, ça aide à se sentir plus légère ensuite 😉

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  4. Tellement vrai, article qui me touche beaucoup alors que ma famille est en plein deuil en ce début d’année…Il est urgent de profiter de ceux qu’on aime et des petits bonheurs du quotidien, en essayant de ne pas laisser la fatigue et les tracas prendre le dessus.
    Bon courage à toi car 2 petits à gérer c’est quand même chaud patate, je n’ai pas que des bons souvenirs de l’année suivant la naissance de mon 2ème…Heureusement plus ils grandissent plus le quotidien s’allège !
    Merci merci pour tes partages de vie que je lis à chaque fois avec plaisir et émotion !

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  5. Bonjour,

    Je ne trouve pas les mots, je n’ai pas votre talent de rédaction, mais je tiens à vois apporter tout mon soutien. Vos articles sont à chaque fois encore plus sincères, bienveillants, et juste. Je compatis (++++++) concernant le sommeil, ma fille a 14 mois auj et elle se réveille encore toutes les 2h (5reveils !) Pour un lever a 6h30 bref vous connaissez tout ça, je continue de faire de mon mieux pour la sécuriser, l’apaiser en espérant q cela porte ses fruits pour plus tard (mais quand?), kinesiologue, magnétiseur, probiotique, massage, fleurs de Bach, éviction au Max lait de vache, tout ce que vous connaissez aussi . Bref, tout ça pour dire q je ne le souhaite à personne, heureusement j’ai une amie qui a elle aussi fait un « BABI » ce qui permet de se remonter le moral qd a 4h du mat on passe 40 min à essayer de calmer son enfant, qd les gens extérieurs disent « tu n’as qu’à la laisser pleurer, il faut lui apprendre à dormir » , etc etc ! Vous êtes une super maman, je vous admire pour votre courage, votre partage sans lequel j’aurais sûrement fini par écouter de mauvais conseils, votre générosité, votre sincérité. Merci la gratitude ! Bébé carousel et bébé fusée feront des filles puis des femmes exceptionnelles grâce à ses parents. Alors ne lâchez rien, la vie est un combat pour défendre ses convictions. Bon courage, Encore merci pour vos partages

    Kamille

    Envoyé de mon iPhone

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  6. waouw je me.retrouve tellement dans es lignes et jai quun enfant , un babi mais ûn seul… courage tun peux être fière. .. Moi aussi je rêve que le 2e soit un bb de magasine mais je sene que ça a être la mm 😧😧

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  7. La dernière photo me laisse songeuse, je pense longuement à toi ce soir, pourvu que tout aille mieux…
    Alors que je passe ma vie à résister, j’ai lâché cette semaine et j’ai accepté, accepter de ne dormir qu’à peine 4h par nuit et jamais plus d’1h30 d’affilée, accepter les difficultés qu’engendre une enfant hypersensible, accepter que mon mari rentre un peu tard du boulot, accepter de faire des pâtes et non un super plat de légumes, accepter mon vernis écaillé, accepter de tester l’éviction de PLV,… Accepter tout ce à quoi je résiste tellement et finalement ça devient presque plus facile…
    Tout plein de réconfort et de courage s’envolent vers toi.

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  8. Non seulement l’article est une fois de plus bouleversant, mais les commentaires sont presque plus touchants… qu’on est fortes, nous, les mamans (et les papas!!!)

    Les lecteurs et lectrices de ce blog sont les etres humains qui vont aider à changer la donne de ce monde par ce qu’ils enseignent à leur descendance. Enfin je l’espère de tout mon coeur

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  9. Bonjour, cela fait environ un an je pense que j’ai découvert votre super blog alors que mon garçon avait quelques semaines. Je l’ai dévoré je lisais les articles dès que je pouvais (comprendre aux toilettes, au milieu de la nuit pour ne pas m’endormir en allaitant ou pendant ses petites siestes qu’il préférait faire dans mes bras, vous connaissez) et depuis que je suis à jour je me connecte presque tous les jours pour voir s’il n’y a pas un nouvel article ^^ je crois que je suis accro ! J’ai souvent pensé commenter mais jamais osé/pris le temps. Mais aujourd’hui je sens que c’est à moi de vous adresser ma gratitude, merci pour votre blog, pour tous ces articles qui me font sourire, réfléchir, qui m’inspirent et m’encouragent. Ils m’apportent beaucoup, j’espère que je pourrai vous lire encore longtemps, je n’ai qu’un garçon pour l’instant mais je compte bien remettre ça et relire vos articles sur l’arrivée de bébé soeur à ce moment 😉 encore merci et longue vie à Happynaiss ! 🙂

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  10. Très joli article, on oublie parfois de se concentrer sur ses moments du quotidien. Un exercice que je pratique parfois, s’endormir en pensant à 3 choses positives de notre journée même parmi les plus difficiles. Cependant, en toute honnêteté, je m’interroge parfois sur ce que j’ose appeler ton « abnégation » pour tes filles. Tu veux le meilleur pour elles et tu les inondes d’amour cela se sent à chaque article. Mais parfois j’ai l’impression que tu t’en oublies un peu toi-même. Tes besoins passent peut être après les leurs mais ils sont tout aussi essentiels de mon point de vue. J’élève aussi 2 filles (la dernière a l’âge de ta carrousel) et j’avoue que je prends certainement beaucoup plus de temps pour moi maintenant que lorsque l’aînée avait l’âge de la dernière. A la fois car je sens que j’en ai besoin pour ne pas être une mère qui n’apprécie plus les moments avec elles car saturée de cris et disputes mais également car j’ai envie de leur transmettre une image de la maternité qui ne soit pas que tournée vers elles afin que plus tard en tant que mamans elles experimentent aussi cela. Je le souviens quand la grande avait 3 ans, elle m’avait demandé pourquoi je n’allais pas la chercher à l’école le soir. Je lui avais répondu que j’avais un travail certes nécessaire du point de vue financier mais également que je j’aimais. Bref désolée si je suis un peu à contre courant de tous les commentaires élogieux mais j’aimerais vraiment ton point de vue sur ce thème, as-tu l’impression de te « sacrifier » pour tes filles ?

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    1. Cependant, je peux déjà te répondre que sur l’aspect professionnel, ne pas aller travailler est in sacrifice financier, en revanche d’un point de vue personnel mon boulot ne m’epanouit pas du tout. Je ne sais pas comment j’aurais procédé si j’avais un métier qui me plaît ou qui apporte à mon équilibre perso.

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  11. Je pense que cet article n’a pas du être facile à écrire, des larmes ont du couler tout au long ;-). Notre bonheur dépend vraiment de notre façon de voir les choses 🙂 nous avons trop souvent tendance à voir le verre à moitié vide plutôt qu’à moitié plein..
    J’adore ta façon de penser et d’écrire.
    Signée : une nouvelle venue et abonnée 🙂

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