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Fausses couches : parlons-en !

S’il y a un sujet lié à la grossesse et à la maternité qui est peu abordé en ligne, pas plus d’ailleurs qu’entre amis ou en famille, c’est bien celui des fausses couches précoces. Les femmes vivent souvent cette expérience dans la solitude du début de grossesse non encore partagée et la maladresse d’un compagnon, d’un médecin ou d’un entourage qui ne sait quoi dire. Pourtant, il me semble que les femmes n’ont pas tant besoin d’entendre quoi que ce soit, que de pouvoir dire… avoir le droit de dire qu’elles sont tristes, inquiètes, en colère, révoltées, marquées par cette expérience qui change à jamais leur parcours de maternité.

Aujourd’hui, je vous propose de découvrir le témoignage de Camille, qui parle habituellement spiritualité au XXIème siècle et rites de passage sur son blog L’Arbre Serpent et qui a choisi de se livrer ici sur ce moment difficile de sa vie, avec sincérité et simplicité. Je la remercie pour sa confiance, l’authenticité de son témoignage et la force de vie qu’il transmet.

***

            J’avais du retard. Pas beaucoup, juste un peu… mais comme mon chéri et moi-même nous entrainions depuis quelques mois à faire des bébés, un espoir un peu fou est né… j’ai décidé de faire une prise de sang, et le résultat m’a fait pleurer de joie et de soulagement. Positif. J’étais enceinte. C’était le Vendredi 20 janvier 2017. Le 23, j’ai commencé à saigner.

Il n’y a pas eu de douleur. Il n’y a pas eu de famille pleine de compassion à gérer. Trop heureuse, j’avais prévenu tout le monde, mais dans ma famille, les faux départs on connait. Mes deux belles sœurs en cumulent cinq, pour cinq enfants qui eux sont arrivés dans le monde. Une sur deux. Statistique non validée par l’INSEE, c’est un simple vécu personnel. Concrètement, quand j’ai dit « ah bah en fait non », on m’a simplement répondu « prends soin de toi », et c’est ce dont j’avais besoin. Moi aussi j’étais prête à l’idée de la fausse couche. A ma famille s’ajoutent mes amies. Certaines n’en ont pas connu, d’autres en ont connu sept pour quatre enfants à terme… L’expérience était déjà démystifiée dans mon esprit. Les fausses couches, ce n’est pas agréable, mais ça fait partie du process.

J’ai eu de la chance : c’est arrivé vite, je n’ai pas eu le temps de ressentir les changements dans mon corps. Je n’ai pas eu de douleur non plus et je n’ai pas subi de curetage. Bon, j’ai quand même passé sept semaines à saigner, parce que c’est le temps qu’il a fallu à mon corps pour évacuer tout ce qui devait l’être. Je suis restée extrêmement vigilante à mes douleurs potentielles et à divers signaux qui auraient pu être inquiétants : je me méfiais de la septicémie, qui peut toujours arriver quand un corps inutile ne s’évacue pas correctement de l’organisme. Et j’ai fait toutes les analyses et les vérifications nécessaires pour m’assurer, à la fin, que tout était rentré dans l’ordre.

Le plus dur pour moi ça a été la déception au moment de la fausse couche elle-même. Deux jours où il ne fallait pas me parler, et un deuil à faire malgré tout qui lui a pris plus de temps. Sans compter les peurs qui remontent… oui, ça arrive et ça fait partie de la vie, mais et si ça voulait dire que j’étais stérile ?… Pour le deuil, je me suis créé un petit rituel pour accompagner ma fausse couche. Pour dire au revoir à la petite personne qui ne viendrait jamais au monde tout en la reconnaissant comme étant passée par mon corps. J’accorde du crédit aux théories concernant la psychogénéalogie et autres choses de ce genre, c’était important pour moi d’accorder tout le sérieux et l’attention nécessaire à cette expérience. En revanche, j’ai eu du mal à me débarrasser de l’idée que je pouvais être stérile. C’est vrai, tant qu’on n’a pas eu d’enfant, on ne peut pas vraiment savoir… quant au fait qu’une fausse couche, ça arrive, ça a impacté ma grossesse actuelle : je n’ai pris sérieusement du poids qu’à partir du quatrième mois, c’est à dire à partir de ce moment où le risque est quand même drastiquement réduit. Je ne prends pas cette réaction de mon corps comme un hasard.

Il y a aussi eu les sept semaines de saignement. C’est long, sept semaines. Enfermée nuit et jour dans mes sous-vêtements et protections hygiéniques, mon rapport à mon corps de femme a été touché insensiblement, subtilement, discrètement… la libido a baissé, j’ai juste attendu que le temps passe et que tout revienne à la normale… rien de tellement surprenant, mais au bout d’un mois et demie, presque deux mois à ce rythme, la prise de conscience a été assez surprenante. Je n’en pouvais plus de cette culotte qui m’étouffait ! Saignements ou pas, j’ai choisi de l’enlever, au moins la nuit. Tant pis pour le linge (j’ai trouvé d’autres solutions). Hasard ou pas, quelques jours plus tard le placenta qui était resté caché s’est enfin libéré, lui aussi.

Il m’a fallu un rituel et sept semaines pour intégrer pleinement cette expérience et permettre à mon corps de la transformer, à son rythme et sans agression médicale. Je suis extrêmement reconnaissante que tout se soit déroulé sans problème. Je suis reconnaissante envers moi-même d’avoir su m’accompagner et me respecter dans cette démarche, d’avoir su rester vigilante aussi. Et je suis reconnaissante envers la vie de m’avoir confrontée directement à cette expérience pleine d’enseignements.

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Ce que j’en retiens, ce qui m’a le plus choquée et qui me fait témoigner aujourd’hui, c’est le silence. Des amies m’ont confié « c’est seulement quand j’ai fait une fausse couche qu’on m’a dit que c’était assez fréquent mais qu’on ne voulait pas m’inquiéter ». Et bien moi je pense qu’il faut en parler. Les fausses couches, ça existe. C’est plus fréquent qu’on le croit. Les chiffres sont aléatoires selon qui les donne donc je n’en proposerai pas. Je peux juste affirmer haut et clair que ce n’est jamais un échec que l’on devrait en plus, si c’en était un, porter seul.e. Ça fait juste partie de la nature. Évidement nous le vivons toutes et tous (pères inclus) à notre manière. Ça dépend de beaucoup de variables propres aux schémas personnels de chacun (croyances, héritages, culture…) mais aussi a la situation individuelle. C’est vrai que mon compagnon et moi sommes plutôt philosophes. Je considère avoir traversé cette expérience sainement et avoir pu le faire car ce n’était pas un sujet tabou pour moi ni pour mon entourage. Et aussi, c’est vrai, parce que c’est arrivé tôt et sans douleur. J’insiste : chaque expérience est différente, chaque individu doit gérer ce véritable deuil en fonction de sa situation personnelle. Et j’ai bien conscience que dans une société qui cherche à tuer la mort elle-même en commençant par la nier, c’est encore plus compliqué.

Alors libérons la parole. Ouvrons nos bouches, exprimons nos expériences, nos douleurs et nos émotions, autorisons-nous a avoir porté la vie, et félicitons nous d’avoir aussi expérimenté la mort dans nos corps (ou ceux de nos compagnes) et d’en avoir tiré une force supplémentaire pour continuer d’avancer.

 

 

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12 réflexions au sujet de « Fausses couches : parlons-en ! »

  1. Me too aussi. 3 pour 1 et on vient de commencer les essais pour le 2ème. Cette fois-ci, j’annoncerais que je suis enceinte à mes proches dès que je le saurais.

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  2. Très joli texte rempli de sagesse… Il est vrai qu’on en parle trop peu, et pourtant le jour où ça arrive on se rend compte que l’on n’est loin d’être un cas isolé. Avec une fausse couche précoces avant chacune de mes deux grossesses menées à terme, j’ai finalement compris qu’il ne fallait pas en retenir de la culpabilité et de la solitude, mais plutôt de la gratitude et deux fois – que dis-je, deux mille fois plus d’amour pour les enfants qui viennent finalement au monde en pleine santé. Et en parler, sans avoir peur du jugement, mais pour montrer au prochaines mamans qui y seront confrontées qu’elles ne sont pas seules, qu’elles n’ont pas à s’en vouloir… et qu’on s’en remet.

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  3. Très beau texte. Merci beaucoup. Émouvant et tellement vrai. 6 ans d’infertilité, 3 ans de PMA, 3 fausses couches précoces, une magnifique fille de 4 ans suite à la pma et enceinte d’un petit garçon pour avril (bébé surprise après les FC) … parcours compliqué et semé d’embûches. Cette seconde grossesse a été particulièrement difficile à vivre pendant les 4-5 premiers mois en ayant toujours peur que ce.bonheur s’arrête. Il est vrai qu’il est nécessaire d’en parler profondément. Pour ma part j’ai eu du mal à vivre cela sereinement et calmement, beaucoup de colère s’est installée en moi. Pour mon mari aussi cela a été très dur. Mais voilà c’est la vie qui n’est pas linéaire et qui n’est parfois pas très douce.

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  4. Bravo, c’est très bien dit.
    Ca me désole que ce sujet soit si tabou. Cela touche pourtant beaucoup de femmes/couples.
    Lors de ma première grossesse, plusieurs personnes n’ont pas compris qu’on l’annonce si tôt (1mois de grossesse, dès qu’on l’a su en fait). On a expliqué que pour nous, il était important de le partager avec ceux que l’on aime. Il était impensable pour moi que mes collègues soient au courrant alors que mes amis et famille les plus proches ne le soient pas. De plus, on s’était dit que si il y avait un problème, on préférait être entourés, plutôt que d’avoir du mal à dire que j’étais enceinte puis plus. Cette grossesse c’est très bien passée et nous avons une petite fille de 3 ans et demi.
    En juin dernier, j’apprends que je suis enceinte. Comme la première fois, nous annonçons la nouvelle rapidement. Malheureusement, quelques semaines plus tard je fais une fausse couche.
    Devoir annoncer la mauvaise nouvelle m’a permis de pouvoir libérer ce que j’avais à dire. Et les amis à qui je n’avais pas encore pu annoncer la nouvelle, je leur ai simplement dit que j’avais fait une fausse couche (c’était plus difficile)
    Pouvoir en parler à mes proches m’a vraiment fait du bien et je remercie tous ceux qui ont été présents pour moi. Je sais que toutes n’ont pas la même chance que moi.
    Si j’ai la chance d’être à nouveau enceinte, je souhaite faire pareil.

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  5. Quand j’ai été voir mon médecin suite à mon premier test pipi positif, il m’a dit qu’environ une grossesse sur 4 n’aboutissait pas à un bébé. Et c’est « marrant », ma maman vérifie cette statistique : elle a eu trois filles avec quatre grossesses. Ça m’avait fait drôle d’entendre ça mais j’étais quand même contente qu’il m’ait donné cette info, je serais tombée de moins haut si les choses étaient allées de travers. C’est vrai, les fausses couches, il faut en parler.

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  6. J’ai aussi perdu mon 1er bébé à 5 mois de grossesse, on nous l’a appris au cours de l’échographie du 2eme trimestre, ce qui a été très dur car annoncé très froidement. Effectivement, à l’hôpital le personnel soignant nous a affirmé que c’était très fréquent à notre grand étonnement. Ce qui a été le plus dur a été les mots de « soutien » de la famille… Je ne leur en veux pas car que je me dis que j’aurais sans doute eu les même mots. J’ai insisté pour que cette petite fille qui a poussé en moi, apparaisse sur le livret de famille car elle fait partie de l’histoire de notre famille. Quelques mois plus tard, je suis retombée enceinte. La grossesse s’est bien passée mais beaucoup moins naïvement que la 1ere… Ce petit bébé est né fin octobre et je remercie sa soeur pour avoir veillé sur lui pendant ma grossesse. Je sais que cette 1ere enfant n’était pas prête à arriver sur cette terre avec nous, mais je sais qu’elle nous protége. En tout cas, c’est le sens que j’ai donné à cet événement.

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    1. Je pense que je n’aurais pas du tout vécu la chose de la même manière à 5 mois de grossesse que là, à 3 semaine / un mois. L’attente, les premières sensations… ma belle soeur l’a vécu donc pareil, je savais que ca existait, mais fiou, ce n’est pas du tout les mêmes projections psychologiques je pense… Quelle expérience ! Bravo d’avoir su la transformer (moi aussi j’ai vécu cet événement avec cet enfant qui existe quelque part, sur un autre plan, peut-être juste psychologique, et qui veille sur le reste de la famille 🙂 )

      Merci à toutes de partager vos expériences ! C’est je crois très important !

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  7. Bonjour, 1 pour 2 ici, mais j’ai eu la « chance » que cela arrive pendant nos essais pour le 2ème. M’occuper de l’aîné m’a aidée, et je savais que je n’avais pas de problème d’infertilité.
    Contrairement à l’ainé, on avait eu du mal a annoncer cette grossesse, on était moins serein, mais contents quand même. C’est quand on a commencé à l’annoncer qu’elle s’est terminée. 48h de grande tristesse, puis je l’ai accepté et ai relativisé (mieux vaut le plus tôt possible pour moi).
    Par contre, ce que j’ai trouvé extrêmement dur, c’est d’attendre que l’embryon s’évacue. J’ai du attendre une semaine, pendant laquelle j’allais bosser au début, a attendre, avant de devoir faire un curetage. Et je ne savais pas du tout à quoi m’attendre, comme des règles ? grosses hémorragies ? Aux urgences on m’avait juste dit « vous le saurez ». Je ne connaissais personne autour de moi qui avait déjà fait une FC… une collègue proche qui avait déjà avorté m’a renseigné (apparemment bcp plus que des règles, genre vraiment embêtant si ça arrive dans le RER ou au taf !)
    Aux urgences, ils n’avaient pas pensé à me proposer un arrêt (que je n’avais pas pensé à demander non plus). J’étais donc, à mon étage rempli de mecs, incapable de me concentrer, a faire des recherches type « pilule abortive ou curetage suite fausse couche », « comme savoir que l’embryon s’est décroché ? ». Bref, joie… pour finir par pleurer dans le bureau de mon boss « j’arrive pas a réfléchir, j’arrive pas a faire le calcul, j’étais enceinte je ne le suis plus, j’y arrive pas » (olé ! je vois encore la tête de mon boss 63 ans, hyper coincé ! quand je suis revenue de mon congé mat pour le 2ème, il était en retraite, ouf !).
    Une fois le curetage passé, j’allais beaucoup mieux (et j’avais fait ce choix car ayant eu une césarienne pour le premier et très peu de contractions, je n’avais pas envie de douleurs pour un enfant qui ne vivrait pas – des copines ayant avorté ou ayant choisi cette méthode suite a une FC avaient pas mal souffert suite à la prise de la pilule).
    Et 3 mois après, je tombais enceinte de mon 2ème petit gars. On l’a annoncé dès le test fait, comme pour le 1er, on était hyper serein, et tout s’est bien passé ! J’en ai parlé à ma famille, a toutes mes copines, c’était en effet plus dur de l’annoncer quand elles n’étaient pas encore au courant que j’étais enceinte, mais franchement, ça m’a beaucoup aidée !

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  8. C’est vrai que c’est important d’en parler parce que, mine de rien, même quand c’est très « précoce », ça marque l’esprit. J’ai encore l’impression de ressentir la sensation lorsque en sortant de la douche, j’ai senti un liquide chaud couler entre mes cuisses. J’étais enceinte depuis plus d’un mois environ, et puis une grosse masse est tombée sur le carrelage de la salle de bain et du sang. C’est le bruit de la chute qui m’a le plus choquée je crois, je ne m’y attendais pas du tout, je n’ai pas su quoi faire, pas le courage de « ramasser » ce qu’il y avait par terre, je me doutais que c’était « lui », ce bébé qu’on voulait. Mon mari est venu tout de suite et il m’a consolée pendant plusieurs jours.
    Je retourne chez le médecin pour faire une échographie de contrôle, et pendant que je pleurais en regardant le plafond (j’évitais de regarder l’écran de l’écho), la dame me dit : mais il va très bien votre bébé! Regardez! et elle met le son pour entendre les battements de coeur du bébé. En fait, il y avait deux petits bouts dans mon utérus et un des deux n’avait pas tenu. Et j’ai énormément culpabilisé d’avoir « omis » ce deuxième pendant plus d’une semaine et qui était toujours là, le coeur battant dans mes entrailles. La dame me dit effectivement qu’il y avait encore la trace d’une « poche vide », cette poche qui contenait l’autre..
    C’est la première fois que je raconte ça, peu de gens autour de nous le savent et pensent que ma grossesse n’a connu aucune encombre. Je n’oublierai jamais ce jour-là mais heureusement, j’ai aujourd’hui un petit garçon de 13 mois bientôt qui comble tous mes vides.

    J’espère n’avoir choqué personne en détaillant un peu la chose, mais la franchise peut aider à surmonter.

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  9. Bel article et sujet traité avec beaucoup de sagesse.
    3 fausses couches en 2018, la 1ère à 11 semaines de grossesse et les 2 autres à 3 semaines.
    Toute cette avalanche d’émotions,de culpabilité et de colère qui m’ont envahi à l’époque, et aucun soutien du corps médical,c’est vraiment le plus dur.
    Je suis actuellement enceinte et j’accouche dans 7 semaines,je suis heureuse bien sûr et reconnaissante que cela se passe sans encombre mais,pour autant, j’ai vécu cette grossesse sans aucune insouciance et j’ai mis 3 mois à accepter le fait que cela allait marcher,je ne voulais pas m’attacher.
    Et on oublie pas,en tous cas,moi,je n’oublie pas,ça reste dans un petit coin de ma tête;

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